Au bout de la première discussion, ma camarade de chambre qui par un hasard fou de la vie ( vous avez compris qu’il n’y en a pas, mais quand même, c’est l’expression que j’ai inventée qui veut ça) portait le même prénom que moi, me parla d’un docteur un peu particulier de l’Ashram qui travaillait dans un endroit appelé La Clinique Nous nous sommes donc inscrites pour aller voir ce docteur; en ce qui me concerne, surtout par désir de le voir et non par envie de guérir quoi que ce soit.
Nous avons attendu dans sa salle d’attente. Ce fut à mon tour. « Leave your footwear outside » me dit-il de derrière la porte battante. Je trouvai un bel homme d’une soixantaine d’années – je sus plus tard qu’il avait en réalité soixante-quinze ans- aux traits extrêmement doux, et à la peau de belle qualité. Au moment où je suis rentrée mon coeur a ralenti son rythme et la Paix est entrée en moi. Toutes les peurs s’étaient envolées au contact de cet homme suave.
A peine me vit-il , qu’il commença à noter des choses sur son cahier à la date du 22 février, jour présumé de la naissance de mon Frédéric Chopin. (Présumé parce que sa mère avait fait une fausse déclaration pour ne pas avoir à payer de taxe de retard). Il me demanda ce qui m’amenait. Ne pouvant répondre l’émerveillement et la curiosité, je lui répondis que j’avais un problème au genou droit, dont je ne savais plus que faire, car rien n’apparaissait à l’analyse. Cela faisait un an qu’il me gênait. On avait fini par penser qu’il s’agissait d’une entorse et A, m’avait prescrit des exercices, mais l’état de mon genou s’était empiré avec la pratique d’un asana en particulier; cet asana consistait à s’asseoir à l’intérieur des deux genoux; cela amplifia mon malaise. Je lui expliquai qu’il s’agissait probablement d’un problème de ligament. Il m’écouta attentivement tout en m’observant avec douceur, précision et silence.